Entretiens
05/01/2021

Josselin Guillo : « J’apprécie personnellement la finesse d’une ardoise de première qualité, qui nous permet de l’utiliser comme une peau »

josselin guillo entretien

Josselin Guillo est architecte dans l’agence INDY Architectes, qui développe une approche sensible et une maîtrise de l’impact environnemental des projets qui lui sont confiés. Nous parlons avec lui de l’emploi de matériaux naturels, comme l’ardoise naturelle, et de l’architecture bioclimatique.

CUPA PIZARRAS – Dans la description de votre agence on peut lire : « Habiter la planète en maîtrisant notre impact environnemental ». Que voulez-vous dire avec cette affirmation ?

Josselin Guillo – La question qui va se poser dans le futur, c’est « comment faire mieux avec moins ? » La raréfaction des ressources, les bouleversements climatiques dont nous pouvons d’ores-et-déjà constater les effets nous imposent d’adopter une attitude responsable. Chez INDY, nous faisons partie de ceux qui ont choisi de placer cet enjeu de société au cœur de notre approche, afin d ‘anticiper l’avenir et de faire de notre mieux à notre échelle. Il nous paraît plus important d’agir que d’en parler. Chaque projet réussi est un exemple qu’il est possible de faire ensemble différemment, de faire mieux, et cela passe souvent par faire moins, ce qui peut aujourd’hui encore paraître paradoxal, mais deviendra un jour la norme, nous en sommes convaincus.

INDY Architectes,

CP – En général, est-ce que les clients sont intéressés ou posent des questions sur les matériaux naturels pendant le processus de design de la maison ? Sont-ils plus préoccupés par la durabilité qu’il-y-a quelques années ?

JG – Les clients sont souvent sensibles à l’image architecturale véhiculée par les matériaux naturels, encore faut-il qu’ils soient employés à bon escient et que cela fasse sens. La discussion en revanche porte assez rapidement, et très tôt dans le développement des projets sur l’aspect économique de ces matériaux. La généralisation de leur emploi relève encore aujourd’hui d’une démarche quasi-militante des maître-d’ouvrages, qu’ils soient publics ou privés.

La durabilité des matériaux, et l’exploitation-maintenance des bâtiments est un sujet central. Il faut dire qu’il y a eu beaucoup de bâtiments dits « écologiques » (en bois notamment) construits au début des années 2000 sans sensibiliser les futurs utilisateurs ni tenir compte des spécificités des matériaux naturels, qui sont vivants et ont leur propre manière d’évoluer. On constate que beaucoup des acteurs de la construction semblent avoir appris des erreurs qui ont été faites, et que les compétences et savoir-faire dans ces domaines progressent, chez les architectes, les ingénieurs et les entreprises….

Chez INDY, nous allons par exemple préférer dans la mesure du possible un projet en structure et isolants biosourcés recouverts d’une façade moins « vertueuse » (métal, bardage composite…) mais dont la pérennité ou l’entretient sont maîtrisés, plutôt que de recouvrir un projet en béton et polystyrène d’un bardage en bois pour l’affichage.

Longère bioclimatique passive à Crac’h (56)

CP – Quels avantages offre l’ardoise naturelle par rapport aux autres matériaux dans les maisons bioclimatiques ?

JG – L’ardoise, lorsqu’elle est de bonne qualité est un produit qualitatif et robuste, qui peut être mise en œuvre par nombre d’artisans et d’entreprises, car il existe un savoir-faire (variable selon les régions) pour ce matériau. Une de ses qualités est d’être produite « à froid », et ne pas nécessiter de cuisson comme d’autres revêtements d’étanchéité traditionnels (tuiles…) J’apprécie personnellement la finesse d’une ardoise de première qualité, qui nous permet de l’utiliser comme une « peau » (voir notre projet à CRACH comme exemple).

CP – Quelle est la caractéristique de l’ardoise naturelle la plus appréciée par les clients ?

JG – Les clients apprécient l’ardoise de part son coté traditionnel (encore une fois selon les régions) et éprouvé. Il est aisé de trouver des entreprises compétentes pour la mettre en œuvre, et présente un rapport coût/pérennité intéressant. Elle est également appréciée pour sa facilité d’entretient (facile à remplacer, à traiter…)

crach comm schema concept

CP – On sait bien que l’architecture bioclimatique est écologique mais est-elle aussi économique ?

JG – Une conception bioclimatique ne coûte pas forcément plus cher. Cela revient d’abord à tirer le meilleur parti d’un site et d’un environnement donné, afin d’exploiter au maximum les ressources et l’ensoleillement naturel (ou de s’en protéger, parfois…). Il y a un coût certain si vous concevez les ouvrages spécifiquement dans ce but (cf projet de CRACH : jardin d’hiver), mais il faut alors le voir comme un investissement.

Si on fait un calcul global, et non seulement le coût à la construction, on s’aperçoit que l’investissement est largement rentabilisé sur la durée de vie du bâtiment (qui peut s’en trouver prolongée). Il faut aussi tenir compte du fait que le coût de l’énergie est fluctuant, et qu’il y a peu de chance qu’il aille à la baisse ces prochaines années. Il y a fort à parier que la conception bioclimatique se développe davantage à l’avenir.

maison à crach
Nous avons des retours d’expérience positifs sur ces thématiques. Dans le cas de nos clients en Bretagne, ils se sont aperçus après 2 ans dans la maison que le fournisseur d’énergie leur devait de l’argent, car les cotisations provisionnées étaient très largement surestimées par rapport aux besoins. Il s’est avéré que le fonctionnement thermique du jardin d’hiver vitré (utilisé pour préchauffer naturellement l’air intérieur) aux intersaisons était meilleur qu’envisagé, et que la maison présentait les performances d’une maison passive, ce qui n’était pas le programme initial.

L’ardoise est un produit minéral, totalement inerte et écologique, qui est parfaite pour l’architecture bioclimatique. Nous avons une section pour vous expliquer la durabilité de ce matériau. Ici vous pourrez voir pourquoi l’ardoise est le produit de couverture avec le moins d’effets négatifs sur l’environnement.